Un musée pour rappeler le sauvetage de milliers de juifs par des Albanais

Un musée pour rappeler le sauvetage de milliers de juifs par des Albanais

Angjelina Vrusho est responsable depuis 2019 du seul musée juif d’Albanie. Le musée Solomoni à Bérat, ville au sud de Tirana. Cette ancienne professeure de mathématiques a travaillé inlassablement avec son mari Simon Vrusho à la collecte d’informations sur l’histoire des juifs d’Albanie et de Bérat, pour le construire. Son rôle dans cette œuvre est peu connu.

C’est une petite femme d’à peine 1,60 m aux cheveux courts gris qui se tient fièrement devant le musée Solomoni de Bérat. Le musée est situé dans une des plus anciennes rues de la ville, classée depuis 2008 au patrimoine mondial de l’Unesco. Depuis 2019 et la mort de son mari Simon Vrusho, Angjelina gère seule ce lieu. Créé en 2018 par Simon Vrusho, un chrétien orthodoxe historien, collectionneur et écrivain, dont l’objectif était de raconter le sauvetage des juifs par les Albanais, qu’ils soient musulmans ou chrétiens.

Ce passionné d’histoire a entrepris un travail titanesque de 2000 ans d’histoire juive en Albanie accompagné de sa femme Angjelina. “Notre but était de montrer la foi qu’ont les Albanais pour la coexistence et le vivre ensemble. Nous l’avons fait pour ne pas oublier la mémoire de la nation”, raconte fièrement cette femme âgée de 68 ans.

Pour mettre en lumière ces actes de bravoure, pour lesquels des dizaines d’Albanais ont été faits “Justes de la Nation” par Israël, le couple a voulu collecter et exposer des faits précis, des témoignages de cette présence juive à Bérat, “au moment des bombardements, une partie des personnes se mettait dans les villages de Bérat pour se protéger”, indique-t-elle. Lors de la Seconde guerre mondiale, après le contrôle de l’Albanie par les Italiens puis les Allemands, les juifs vivant dans les frontières albanaises ont été protégés et sauvés par les Albanais. Quand bien même le pays soit devenu un protectorat de l’Italie fasciste.

Et la ville de Bérat est celle qui a accueilli le plus de personnes juives à ce moment précis. Dans certaines ruelles de la ville, il existe encore quelques preuves de la présence de membres de la communauté juive, des étoiles de David sont visibles devant la façade de la mosquée du roi. Plus largement dans le pays, la population juive a décuplé pendant le conflit mondial.

Un rôle méconnu mais important

Le rôle de son mari est documenté mais la contribution d’Angjelina est aussi importante dans cette collecte d’informations. “En Albanie, il y a une expression qui explique que l’homme et la femme sont comme l’ongle à la chair. On était comme cela avec mon mari, très complices”, lance-t-elle dans un sourire lorsque la question de son rôle dans la collecte d’informations sur l’histoire juive en Albanie est évoquée.  “Ça a pris beaucoup de temps, d’années de travail pour tout accumuler. Par exemple, je contactais les familles pour avoir des témoignages et ce plusieurs fois. Je préparais les questions avec mon mari et je récupérais des articles de presse sur la présence des juifs à Bérat”, déclare-t-elle. Des articles de presse aujourd’hui exposés dans le musée. Angjelina s’occupait des finances, elle payait certains voyages de Simon.

Depuis la construction du musée, Angjelina s’y consacre entièrement et depuis la mort de son mari, son implication est plus grande. Lefteri enseignante, le confirme, “ce musée, c’est sa vie, elle est présente quotidiennement toute la journée”, assure Lefteri. “J’ai l’impression de communiquer avec mon mari quand je suis dans ce lieu”, relate avec émotion Angjelina. 

Les réactions de la communauté juive

Angjelina est marquée par les visites de personnes juives du monde entier dans son musée. Elle montre avec empressement les photos qu’elle fait défiler sur son smartphone “regardez cette personne est venue et elle a retrouvé dans la liste exposée des juifs de Bérat des membres de sa famille!” , confie avec un grand sourire Angjelina. Des membres de la communauté juive viennent au départ par curiosité découvrir le musée Solomoni et repartent à chaque fois avec les larmes aux yeux, peu importe l’âge. “Je suis à chaque fois très émue et je suis heureuse que cet énorme travail accompli par mon mari et moi-même soit reconnu”.

L’autre objectif est de montrer aux juifs que les Albanais n’allaient pas les trahir. C’est pourquoi l’Institut international pour la mémoire de la Shoah, a désigné 75 Albanais comme “Justes parmi les Nations”.
Le 20 décembre 2018, Simon Vrusho a obtenu la médaille d’honneur de la ville de Bérat et 50 jours après, celui-ci est décédé. “Depuis, je continue le travail comme un serment fait l’un à l’autre”, promet Angjelina.

Aissata

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