Le Bektachisme, un islam qui va à l’encontre des clichés occidentaux

Le Bektachisme, un islam qui va à l’encontre des clichés occidentaux

Pratiqué par 20 % des musulmans en Albanie, le bektachisme est une pratique de l’islam particulièrement portée à la tolérance. Cette branche religieuse autorise par exemple la consommation de porc et d’alcool, et les femmes ne sont pas tenues de porter le voile.

« Les bektachis font ce qu’ils veulent ». Sous un ciel albanais ensoleillé, Elson, 25 ans se rend au centre mondial du bektachisme à Tirana pour prier. Il n’y a pourtant aucune obligation à respecter les cinq piliers de l’islam. Le jeune homme aux cheveux courts et à la fine moustache vient de la ville de Krujë, perchée dans les montagnes à quelques kilomètres au nord de la capitale où la communauté bektachis est très présente à l’instar de Permet et Berat plus au sud. « C’est une tradition familiale », souligne Elson.

Trois tekkés du centre mondial du Bektachisme surplombent la ville de Tirana, devant des tombes de derviches

Près du tekké, lieu de culte où le jeune albanais se recueille, se dresse une statue de Haxhi Bektash Veliu, père fondateur de cet ordre religieux ésotérique dérivé du soufisme au XIIIème siècle en Anatolie. Historiquement, le bektachisme a contribué à la propagation de la religion de Mahomet en Europe de l’Est. Si l’Albanie est aujourd’hui devenue le bastion du bektachisme, c’est en partie dû au Bektachi albanais Naim Frasheri (1846-1900) pour son opposition à la Sublime Porte. C’est en 1922, lors de la chute de l’Empire ottoman que l’Albanie devient l’un des rares pays d’Europe à majorité musulmane. L’installation du centre mondial de la confrérie a lieu à Tirana en 1930.

Haxhi Bektash Veliu (1209-1271), fondateur du Bektachisme

Des rites proches du soufisme

« On ne fait pas de différence avec les autres religions », explique Elson. Les bektachis vénèrent le prophète Mahomet, mais à l’inverse de sunnites, ils vouent également un culte à l’imam Ali. Equivalent du pape dans la religion catholique, le chef des bektachis est appelé Grand baba et les prêtres sont nommés derviches.

Ces derniers sont d’ailleurs enterrés dans les tekkés, où les bektachis prient debout, tournés dans leur direction. Pour y entrer, il est nécessaire d’enlever ses chaussures, mais davantage par hygiène que par protection du caractère sacré du lieu. Règle a respecter toutefois : prier dans chaque tekké. Le centre mondial de Tirana en compte trois.

A l’intérieur, le qeleshe vert, bonnet traditionnel albanais est disposé sur chaque tombe. La célébration comporte une danse circulaire mystique. Elle est d’ailleurs inscrite depuis 2010 au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Elson brûle un sièrge après la prière

Un équilibre femme/homme

Si le bektachisme a cette réputation de religion tolérante, c’est en partie parce qu’elle accorde une certaine place à l’égalité femme/homme. Au XIIIème siècle, Haxhi Bektash Veliu indiquait par exemple « qu’il n’y a pas de distinction de sexe dans les débats ». Venue avec son mari pour prier, Louisa, la cinquantaine confirme : « dans le bektachisme, que ce soit dans des fêtes ou pour aller prier, la femme n’est jamais mise de coté ».

Pour d’autres, la possibilité de consommer du porc ou de l’alcool est appréciable : « Je me sens comme tout le monde », souligne Elson en hochant la tête.

En Albanie, la religion est très personnelle : « Entre amis, on n’en discute jamais, chacun fait comme il le sent », explique le jeune homme avant d’aller brûler un cierge, autre spécificité semblable à la religion catholique.

Autre rite, les bektachis gravissent du 20 au 25 août le mont Tomorr pour honorer Abbas Ibn Ali. Ce site est également sacré pour les chrétiens qui grimpent le jour de l’Assomption.

Antoine Gallenne

Antoine

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