L’Albanie mise sur l’exportation de plantes médicinales

L’Albanie mise sur l’exportation de plantes médicinales

L’Albanie est un des principaux exportateurs européens de plantes médicinales et aromatiques. Une centaine de milliers de salariés vivent de la filière. Mais ce secteur en développement pâtit de l’inflation.

Au bout d’un chemin cabossé, à Koplik au nord de l’Albanie, les plants de lavande et de romarin poussent, bien alignés. Un petit groupe de personnes cueille de la sauge à la main, muni de faucilles. C’est ici que la famille Ramaj produit des semis d’herbes médicinales et aromatiques depuis 2009. Au total, le pays de l’Aigle cultive trois cent types de plantes, comme le thym, la sarriette, l’immortelle ou encore l’origan.

Il y a 30 ans, du tabac poussait sur ce plateau encerclées de montagnes. “Je me suis lancé dans les plantes aromatiques et médicinales avant tout parce que c’était le plus rentable”, avoue Agim Ramaj, le père. La sauge peut être plantée plusieurs fois dans l’année, quant le tabac a un cycle annuel. Et les lavandes se portent bien. En témoignent certains plants “vieux de 50 ans”, pointe Aridon. “Le sol rocailleux est riche en calcium. Avec l’ensoleillement de la plaine, l’environnement est idéal à la pousse”, développe-t-il.

Quatre-vingt-quinze pourcent des plantes médicinales albanaises sont exportées, selon l’agence nationale de soutien à l’agriculture et au développement rural. Ces 50 millions d’euros d’exportations annuelles font de l’Albanie un des champions européens des plantes médicinales et aromatiques.

La sauge est la plante médicinale la plus produite en Albanie. L.G.

Au loin, le muezzin appelle à la prière. “Aujourd’hui, je suis heureux de contribuer à la filière de la médecine naturelle”, explique Agim Ramaj. Sa famille possède dix hectares. Cinq sont réservés à la sauge, l’herbe la plus cultivée en Albanie. “On réalise 25 000 euros de profit chaque année”, souligne Aridon, son fils. Il porte l’uniforme des jeunes de son âge : doudoune noire, jean, baskets. Le jeune homme a repris l’affaire familiale quand son père a pris sa retraite. Pourtant il ne se destinait pas à une telle carrière. “J’ai fait des études en ingénierie électronique. Alors mon père m’a transmis son savoir, mais j’ai aussi appris par moi-même”, détaille-t-il.

L’avenir de l’entreprise familiale n’est pas tracé. L’inflation récente a fait baisser la demande de plantes médicinales. “Les Allemands achètent moins de sauge, alors les producteurs de sauge n’achètent plus nos semis”, constate Aridon. Et pour cause, l’Allemagne est la première destination des exportations albanaises. En conséquence, l’excès de production a forcé les agriculteurs à brader leur marchandise. “En 2022, nous vendions 2 euros le kilo de sauge. Il a chuté à 1 euro cette année”, explique Aridon.

Réduire les coûts

L’entreprise emploie une quinzaine de saisonniers. “On essaie de limiter la main-d’œuvre, pour réduire nos coûts”, confie Aridon. L’heure est aussi à la diversification. La famille Ramaj souhaite “vendre des herbes séchées au grand public, pas seulement des semis aux professionnels”.

Agim Ramaj fait sécher la sauge à l’aide du vent, la méthode traditionnelle. L.G.

Commerce en ligne

Le secteur crée de l’emploi. Cent mille ménages albanais en dépendent. De petits commerces d’huiles essentielles émergent, dans des boutiques physiques comme en ligne. A Tirana, Sokol et Blerina Kociaj ont fait le choix du 100% numérique. Le couple s’est lancé en 2019 dans la vente d’huiles essentielles sur Instagram. Depuis, les commandes abondent. “On n’arrête pas”, confie Sokol. “Ce qu’on vend le plus, ce sont les produits à base d’ail”, complète sa femme Blerina, chimiste de formation. L’entreprise de dix employés noue des partenariats avec des influenceurs, suivis jusqu’à un demi-million de personnes. Résultat : le compte de l’entreprise compte 48 000 abonnés.

Le couple produit toutes ses huiles dans un laboratoire de Tirana. Une partie des plantes est achetée, l’autre est cueillie par eux-mêmes. “Toute la famille s’y met !”, s’enthousiasme Sokol. Pour le moment 95% de leurs ventes se font en Albanie. Mais le couple cherche à développer son activité à l’exportation. Le laboratoire doit s’agrandir, et l’ouverture de leur site internet est prévue pour le mois prochain. “Cela va nous permettre d’être référencés sur Google, de gagner en visibilité, et de s’implanter partout dans le monde. Notre modèle, c’est Jeff Bezos”, confie Blerina.

Leo

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