Le secteur du tourisme peine à susciter l’engouement des jeunes Albanais

Le secteur du tourisme peine à susciter l’engouement des jeunes Albanais

Depuis quelques années, l’Albanie connaît une augmentation importante de sa fréquentation touristique entraînant une hausse des offres d’emplois. Mais l’essor du secteur, encore frais, ne suscite un intérêt que limité chez la jeunesse du pays qui continue à rêver d’ailleurs.

À 25 ans, Elena Beqiri travaille comme réceptionniste à l’hôtel Partner situé dans la station balnéaire de Vlora. La ville côtière qui possède les plus longues plages du pays accueille chaque année un nombre croissant de touristes. Reliée par ferry au littoral italien, Vlora fait partie des endroits plébiscités pas les 10 millions d’entre eux qui qui se sont rendus en Albanie l’année dernière.

J’aime travailler dans le tourisme. Je sais qu’en Albanie, il est important et en pleine expansion. Ici à Vlora, on reçoit des touristes du monde entier“, confie-t-elle le sourire aux lèvres. Après son lycée, Elena Bequiri a choisi d’étudier l’anglais et l’espagnol pour pouvoir travailler dans le secteur du tourisme dans son pays natal. Sa famille, originaire de Vlora et expérimentée dans le domaine de la restauration, l’a encouragé dans cette voie.

Sa situation est une forme d’exception dans le pays, affirme Elena. “Le tourisme est une bonne opportunité mais la majorité des jeunes veulent aller à l’étranger“, explique la jeune femme. Le secteur ne fait pas exception au mouvement général d’émigration massive des jeunes albanais. Lorsqu’elle étudiait à l’université de Vlora il y a peine quelques années, la promotion d’Elena comptait environ 80 étudiants. Aujourd’hui sa sœur qui suit ses pas dans les études a un peu moins d’une trentaine de camarades à ses côtés.

120 étudiants en management du tourisme à Vlora

Les propos d’Elena rejoignent ceux de Firobella Vella, professeure de management du tourisme à la faculté d’économie de Vlora. “Le tourisme n’est pas vraiment considéré comme un secteur économique ni même comme un travail“, explique l’universitaire. “Beaucoup d’employés du secteur sont en réalité étudiants en droit ou en médecine et cherchent ensuite un autre travail“, ajoute-t-elle.

L’université de Vlora propose pourtant un bachelor en management du tourisme depuis 1994, doublé d’un master apparu en 2010. Cette année, 80 étudiants sont inscrits dans la formation de premier cycle et 40 dans le master, sur les 1400 étudiants inscrits dans le département d’économie. Un chiffre faible, estime Fiorabella Vella.

La plupart des étudiants à qui la professeure dispense ses cours souhaitent travailler à l’étranger ou à Tirana, confie la professeure. “La tendance à partir de l’Albanie est forte. Une des raisons est que les jeunes ne sont pas satisfaits des salaires ici“, explique-t-elle. De plus, étudier dans le secteur du tourisme nécessite des investissements financiers qui ne sont pas à la portée de toutes les familles albanaises. Pour beaucoup, partir reste une solution plus avantageuse.

La municipalité de Vlora en coopération avec Biznes Albanie a créé une académie professionnelle pour les entreprises du tourisme. Crédits : Elisabeth Crépin-Leblond

Un manque de main d’œuvre dans le secteur du tourisme

Cette situation ne se limite pas qu’à la ville de Vlora. Blerim Topulli est à 27 ans, guide touristique depuis huit ans dans la vieille ville de Gjirokastra située plus au sud de l’Albanie. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco, la cité traditionnelle mise en grande partie sur le tourisme pour développer son économie. Ce qui était d’abord le job étudiant de Blerim est devenu depuis cinq ans son activité principale. “Un de mes anciens professeurs archéologues m’a fait adoré ce métier“, explique-t-il.

Pour le jeune guide, “le tourisme s’accroît chaque année en Albanie. Il y a un effet boule de neige depuis 2018 et c’est une bonne opportunité qui permet à de nombreux jeunes d’obtenir un job durant la saison touristique“. Mais à Gjirokastra comme à Vlora le développement du tourisme se heurte à la volonté de départ des jeunes albanais. “Il faut plus qu’un travail pour faire rester une génération ou faire revenir ceux qui sont partis. Des politiques doivent être prises et le système doit être capable de générer de l’espoir chez ceux qui habitent en Albanie“, affirme Blerim Topulli.

Une des conséquences de cet engouement limité pour le secteur est la difficulté des entreprises touristiques à recruter durant la haute saison. “Durant l’été, les hôtels et les restaurants de Vlora ont du mal à trouver des employés“, témoigne par exemple Elena Biquiri et Fiorabella Vella. Pour pallier le manque, certains se tournent vers une main d’œuvre bon marché venue d’Asie. Les travailleurs embauchés arrivent d’Inde, du Bangladesh, des Philippines ou encore du Népal.

Pour les deux habitantes de Vlora, la situation n’est cependant pas figée. “Il est peut-être trop tôt“, considère Elena Biquiri. “Une tendance va peut-être apparaître dans le futur, il y a des investisseurs importants qui commencent à arriver“, estime quant à elle Fiorabella Vella. “Ce serait un bon point“, ajoute-t-elle avec espoir.

Elisabeth Crépin-Leblond

Elisabeth

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