Vlora, empêtrée dans sa mauvaise gestion des déchets

Vlora, empêtrée dans sa mauvaise gestion des déchets

La station balnéaire d’Albanie peine à gérer ses déchets qui finissent par être brûlés. Une situation qui provoque régulièrement une fumée noire et toxique au-dessus de la ville.

Dans la lagune de Narta, prisée par les touristes pour sa vue imprenable sur la mer, la ville de Vlora souffre de sa gestion des déchets. Cet endroit réputé pour abriter une grande partie de la biodiversité en Albanie subit les ravages de la pollution plastique.

« À Vlora, nous n’avons pas de système de recyclage ou de gestion des déchets“, déplore Ermal Çukani, directeur du projet “Youth Build Community”, qui veut mettre fin à l’incinération des déchets en périphérie de la ville. “A cause de ce manque d’infrastructures, nous devons stocker les déchets. Sauf qu’il n’y a plus de place donc ils finissent par être brûlés“, détaille-t-il.

Comme l’explique Simo Ribaj, professeur de biologie à l’Université de Vlora, les déchets ont commencé à devenir un problème dés les années 1990. Et depuis, la situation s’enlise : « Ne me demandez même pas quelles sont les conséquences sur la biodiversité parce que c’est une catastrophe, déclare le professeur avec des yeux tristes, le nombre d’espèces vivantes est en chute libre ». 

Une situation enlisée

Ermal Çukani se souvient d’un incident datant d’octobre 2023. « La décharge ne s’arrêtait pas de brûler. Un hélicoptère a dû être déployé pour éteindre le feu qui produisait une fumée noire et toxique au-dessus de la ville ». D’après lui, la municipalité de Vlora est responsable : « C’est un acte criminel donc illégal. Ils nous disent que ce n’est pas eux. Et, quand ça brûle, ils prétextent que ce n’est pas de leur faute », soupire-t-il. 

A la suite de cet incident, le maire de la ville, Ermal Dredha a promis davantage d’investissements pour mieux gérer les déchets de la ville. Mais d’après Ermal Çukani, rien n’a changé : « On pousse la sornette d’alarme mais la situation reste la même ». Une situation dangereuse pour la santé des habitants qui l’a poussé à lancer une pétition. En 36 heures, elle avait récolté plus de 1000 signatures. 

Des calculs faussés

Depuis 30 ans, Niko Dumani se bat pour améliorer la gestion des déchets à Vlora. Le professeur de biologie explique qu’ils  font régulièrement l’objet de nouveaux programmes de gestion. Seulement, ils sont mal orchestrés. Un nouveau plan mené par la municipalité a pour projet de traiter 80% des déchets de Vlora d’ici 2034 : « Le problème ici, c’est qu’une partie des ordures s’envolent et finissent dans la mer donc ils savent qu’ils ne pourront pas tout récupérer », clarifie le professeur. 

Pour mener son projet, la municipalité a calculé le poids des déchets produits par les résidents de la ville, soit environ 330 grammes par jour. « Sauf que c’est un mauvais calcul, explique Niko Dumani, chaque habitant produit trois fois plus de déchets. On est plus proche des 900 grammes par jour ». Or, c’est sur ce mauvais calcul que s’est fondé le plan d’une nouvelle déchèterie, financée avec l’aide du gouvernement allemand, qui a coûté 22 millions d’euros : « Le centre de déchets ne sera pas en capacité de tout récolter mais c’est déjà quelque chose » déclare malgré tout Ermal Çukani en haussant les épaules.

Des faits récents de corruption

Bujar Leskaj, membre du Parti démocratique et député du Parlement Albanais, est présent lors de la réunion organisée par Ermal Çukani. « Il est impératif que toutes les institutions de la ville contribuent activement au traitement et à la résolution de ce problème, qui est devenu une gangrène préjudiciable entravant le progrès de la ville » déclare-t-il face au reste du groupe constitué majoritairement de volontaires. 

Le député met en avant les responsabilités du Premier Ministre Albanais, Edi Rama : « Les récents scandales survenus cette année en Albanie dans le domaine de la gestion des déchets sont directement liés aux politiques corrompues du gouvernement Rama ». Début septembre 2023, plusieurs de ses proches, notamment le vice-premier ministre Arben Ahmetaj, ont été accusés de corruption. L’affaire concerne la construction de plusieurs incinérateurs dans les villes de Fier, Tirana, Durrës et Vlora. 

Une mobilisation difficile

Malgré son opposition au gouvernement Rama, le député du Parti démocratique n’a pas convaincu tout le monde : « Il nous dit qu’il nous écoute et qu’il veut faire bouger les choses mais ce ne sont que des paroles, déclare l’ingénieur Julian Muhameti  avec beaucoup d’amertume, il est plus préoccupé par les divisions internes de son parti que par la situation à Vlora ».

Malgré la situation « catastrophique », toute mobilisation est difficile : « J’ai vécu toute ma vie à Vlora, explique Julian Muhameti, ingénieur de formation, et ici, on ne proteste à propos de rien. Je n’ai pas vu de vraie manifestation depuis 1997 » confie l’homme âgé de 40 ans qui a vécu toute sa vie dans la région. 

« C’est difficile pour les gens de protester, reconnaît Katie Kelsh, qui travaille à l’ambassade américaine de Vlora, beaucoup de gens veulent que ça change mais certains ont peur des répercussions, souvent de la part des gens avec lesquels ils travaillent ». Malgré les difficultés, Ermal Çukani veut se battre jusqu’au bout : « On va forcer encore et encore, jusqu’à ce qu’on trouve une solution au problème de gestion des déchets» jure-t-il avec détermination. Contacté, le Ministère de l’Environnement albanais n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Julie Zulian

Julie

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