Le parc national de Butrint : paradis menacé des oiseaux marins
La publication du rapport annuel sur le recensement des oiseaux marins en Albanie, le 29 janvier dernier, alerte sur le nombre décroissant de la population aviaire. Les enjeux environnementaux sont un défi que de nombreuses associations locales tentent de relever, notamment dans une des zones les plus riches du pays: le parc national de Butrint.
Au cœur de l’hiver à Butrint, dans le sud de l’Albanie, la quiétude du lagon azur n’est perturbée que par les cris de ses habitants, des oiseaux marins venus y trouver refuge. Ils sont plus de 100 000 à venir y passer la saison froide chaque année. Au milieu de la végétation luxuriante et des eaux transparentes, il règne comme une ambiance tropicale. Les 246 espèces d’oiseaux marins se prélassent parmi les roseaux, alors que la Méditerranée n’est qu’à quelques kilomètres.
La région de Butrint représente l’un des environnements les plus riches en Albanie en termes de biodiversité, particulièrement chez les oiseaux. Certains résident dans le parc à l’année, tandis que pour d’autres, il s’agit d’une étape clé sur leur voie migratoire. Le parc fait ainsi partie des dix zones humides les plus importantes du pays, appelées «ligatinat» en albanais, soit des marécages selon la traduction directe. Si ces zones font partie des écosystèmes les plus rares au monde, elles comptent également parmi les plus menacées en Albanie. Elles servent de lieux de repos pour les oiseaux marins, parmi lesquels on retrouve des espèces dont les populations ne sont parfois pas directement menacées mais dont le nombre décroît chaque année.
Le lagon du Butrint représente une zone importante pour l’alimentation et le repos de ces oiseaux. Pendant l’hiver, on peut y apercevoir des bandes d’échassiers, petits oiseaux gris et marrons, au long bec très fin, dans les eaux peu profondes ou dans les roselières. On y retrouve notamment le courlis cendré, espèce menacée, ou encore le bécasseau variable, semblable à un gros moineau perché sur de longues pattes, dont la population est étroitement surveillée, car en diminution.
Un site mondialement reconnu
En 2003, le parc de Butrint est devenu un site Ramsar, dit d’importance internationale pour les zones humides. Son statut est défini par la Convention internationale des marécages, signée en Iran, le 02 février 1971, journée internationale des zones humides. Le parc est aussi une « Zone importante pour la conservation des oiseaux » (ZICO) grâce au programme de Birdlife International, une association dédiée à la protection des oiseaux, qui vise à recenser les zones les plus favorables pour leur conservation. De ce fait, d’un point de vue juridique, le parc est une réserve pour les oiseaux marins dont la chasse est rigoureusement interdite. Seulement, ces mesures ne sont plus suffisantes pour pallier le déclin des populations aviaires.
L’obligation d’agir rapidement
Parmi les menaces les plus pressantes, le changement climatique conduit à une dégradation constante des zones humides. À long terme, les périodes de sécheresse et la réduction des précipitations influencent les ressources et la qualité de l’eau. Le changement de la composition de la végétation affecte directement les plus petits oiseaux, d’une part au niveau de la nourriture, puisqu’ils se nourrissent principalement de petits insectes et autres vers présents dans la vase, et également dans la construction de leurs nids. Pour la plupart de ces oiseaux, les nids sont faits au sol et consistent en un creux au milieu de la végétation. L’organisme « Protection and Preservation of Natural Environment in Albania » (PPNEA) a donc mis en place des nids artificiels, pour « aider les oiseaux à se reproduire dans des endroits clés », explique l’un de ces spécialistes. Les nouveaux nids garantissent alors la sécurité et facilitent le recensement. « Les nids sont également construits à l’écart des chemins, afin que les visiteurs ne perturbent pas les oiseaux. » conclut l’un des responsables du projet. Et de rappeler également que les plus gros oiseaux sont également « menacés par les changements climatiques et l’activité humaine ». À mesure que les roselières s’étendent à cause de la baisse du niveau d’eau de plus en plus importante en été, le nombre de poissons, « source d’alimentation première », tend à décroître.
La nécessité de restaurer les zones humides et lutter contre leur dégradation est donc impérative pour la PPNEA, première ONG environnementale du pays. L’association a notamment réalisé une nouvelle cartographie de la zone de Butrint pour mettre en avant les habitats humides à protéger et en interdire l’accès aux touristes. « L’observation d’oiseaux marins se fait désormais quasiment exclusivement à travers des groupes encadrés », explique l’association, soit par des organisations locales, soit par des prestataires touristiques, qui proposent des parcours banalisés.
En novembre dernier, 12 députés albanais ont proposé des changements concernant la loi sur les aires protégées avec comme objectif de déléguer aux municipalités. Le groupe écologiste s’y est opposé, par peur que ces mesures encouragent la bétonisation des littoraux à des fins touristiques et donc la dégradation de ces zones humides, pourtant indispensables à la biodiversité mondiale.
Nina Clément.