Avec le boom touristique en Albanie, la côte sauvage remplacée par la bétonisation

Avec le boom touristique en Albanie, la côte sauvage remplacée par la bétonisation

La côte Est de l’Albanie voit surgir de nombreux hôtels destinés à accueillir la vague de touristes. Le littoral sauvage, attirant les touristes de l’ouest de l’Europe, se transforme peu à peu en urbanisation.

Coup de pelle et pose des premières pierres. Des ouvriers du bâtiment s’activent sur un terrain fraîchement acquis par Niko, un albanais vivant à Tirana, devant la mer de Qeparo, un village balnéaire de la côte Est de l’Albanie. Le village historique, lui, se trouve dans les hauteurs.

« Je souhaite construire un hôtel pour la saison touristique, explique Niko, 45 ans, ancien chef restaurateur à Manchester, qui installe son business sur la côte de son pays. Depuis une vingtaine d’années, la demande explose. Je ne sais pas combien de personnes il pourra accueillir. » L’homme d’affaires souhaite construire d’autres hôtels géants sur la côte des villages voisins.

Car, depuis la chute du communisme dans les années 90, l’Albanie a ouvert ses portes aux restes du monde. Le littoral attire les Européens pour son eau turquoise, ses champs d’oliviers et ses sommets montagneux semblables à son pays voisin, la Grèce. C’est ainsi que des hauts blocs de béton prolifèrent le long de la mer, depuis les années 2010. Mais depuis le Covid, les professionnels du tourisme observent une importante accélération.

En 2023, le pays a accueilli dix millions de touristes. Un chiffre qui augmente de 20 à 30% chaque année. La nouvelle destination albanaise est un attractive pour les touristes, qui peuvent s’offrir du repos méditerranéen, à petit prix.

“J’amène les touristes à Qeparo, mais la monnaie reste à Qeparo, affirme Chrisa Vongli, professionnelle du tourisme, qui a transformé le rez-de-chaussée de la maison de sa grand-mère en gîte. Beaucoup de gens viennent ici pour quinze jours ou un mois. Les gens font des barbecues et fêtent leurs anniversaires. La maison de ma grand-mère fait partie du paysage, elle était là avant les grands hôtels.”

« Trois cent chambres d’hôtel dans un village de cent habitants »

Car, de Durrës à Saranda en passant par Vlorë, d’immenses blocs de béton naissent en bord de mer, jusqu’alors encore restés sauvages… Et préservé. “Ces grandes constructions ne sont pas en harmonie avec la nature, rapporte Kristina, 97 ans, habitante du village de Qeparo. Imaginez trois cent chambres d’hôtel, dans un village de cent habitants, c’est énorme…”

A 13km d’ici, à Himara, ville de 7.800 habitants, les hôtels, les immeubles et les villas modifient le bord de mer, depuis son aménagement en 2014. Une aubaine pour l’économie locale, mais pas forcément pour la vie des habitants.

“Nous avons vécu le choc du communisme, retient Victoria, une retraitée professeure d’anglais de Himara. Avant tout, était contrôlé par l’État, nous ne connaissions pas l’expression ‘’être bourré’’. Depuis l’ouverture du pays, les vices sont venus aussi.”

Cet hiver, la ville subit régulièrement des coupures de courant, pour cause de travaux d’agrandissement et d’urbanisation. La saison touristique s’étend d’avril à octobre. Le reste de l’année, les professionnels du tourisme ont une occupation agricole, essentiellement avec les oliviers et les élevages caprins.

Les conséquences de cet aménagement anarchique portent des revendications souvent silencieuses. “Le béton, partout, est une mauvaise chose, ajoute Michel, professeur de sciences physiques à Saranda. Tout le monde le pense, mais personne ne souhaite monter d’association pour pour se rebeller, pourtant certaines constructions se situent en zone protégée.” Un bétonnage express au service d’une nouvelle ouverture sur le monde. Avec ses dollars et ses euros.

Mathildee

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