Luiza Gega, l’espoir d’une première médaille olympique albanaise
Championne d’Europe du 3000m steeple, Luiza Gega s’apprête à lancer une saison où elle participera aux Jeux olympiques de Paris. Rencontre avec celle qui portera tous les espoirs de médaille de l’Albanie, un pays jamais récompensé aux JO.
Au milieu des arbres du parc de Tirana, à quelques encablures du Air Albania Stadium, Luiza Gega répète ses gammes. Athlète expérimentée, la demi-fondeuse de 35 ans a ses habitudes sur une piste d’athlétisme ouverte à tous, où elle côtoie les joggeurs de la capitale albanaise. Le revêtement y est presque neuf, contrastant avec la boue et les déchets au centre de la piste. “Dès que je suis à Tirana, c’est ici que je viens”, explique Luiza Gega, qui lancera sa saison samedi lors d’un meeting à Metz. “J’y vais en fin de matinée ou en début d’après-midi, pour m’habituer aux heures de mon prochain meeting et profiter des heures les plus chaudes”, précise-t-elle au Courrier de l’Aigle.
Pour lancer au mieux cette saison 2024, Luiza Gega a effectué quelques semaines au Kenya durant l’hiver. Pour profiter de températures bien plus élevées qu’en Albanie et d’entraînements en altitude, cruciaux pour développer son endurance. “En Albanie, je ne peux m’entraîner en altitude qu’à Korçë (sud-est du pays, NDLR). Donc j’ai pris l’habitude de passer une partie de l’hiver au Kenya depuis dix ans”, ajoute-t-elle.
Aides minimales
Ces stages à l’étranger, Luiza Gega doit majoritairement les financer elle-même. “Le comité olympique albanais me donne entre 800 et 900 euros pour ces stages, mais ça ne couvre qu’une petite partie des frais”, déplore-t-elle. Ce manque de moyens la prive aussi de stages dans certains pays comme l’Afrique du sud, bien plus coûteux que ceux au Kenya.
Outre cette aide, Luiza Gega bénéficie de peu de soutien de la part du Comité olympique albanais, malgré sa grande expérience sur la scène internationale. “Presque tout l’argent qu’on me donne est conditionné à mes performances”, détaille-t-elle. Sur les grandes compétitions, elle doit terminer parmi les six premières pour toucher une prime. Lors des championnats d’Europe en 2022, elle avait touché 40.000 euros en remportant la médaille d’or. “Cela s’améliore ces dernières années, nuance Luiza Gega, mais ça reste toujours moins que ce que gagnent les autres.”
Petit staff, grandes attentes
Autre différence majeure avec la concurrence: la composition de son staff. Luiza Gega fonctionne presque exclusivement avec son coach de toujours, Taulant Stermasi, qui est aussi président de la Fédération albanaise d’athlétisme. “Je suis aussi suivie par un physiothérapeute, payé par la fédération, lorsque je suis à Tirana”, ajoute-t-elle. Une avancée récente pour celle qui avait découvert les Jeux olympiques à Rio en 2016 en étant uniquement accompagnée par son coach, mais qui ne la satisfait pas entièrement. “Je n’ai jamais travaillé avec une psychologue, ce qui aurait pu m’aider à gérer mes émotions sur et en dehors de la piste”, regrette notamment celle qui détient les records nationaux sur toutes les courses entre le 800m et le marathon.
Malgré ce manque d’encadrement, elle s’est montrée extrêmement régulière ces dernières années. En 2022, elle est devenue la première albanaise médaillée – d’or – aux championnats d’Europe. La même année, elle a accroché un top 5 aux Mondiaux. Suffisant pour espérer une médaille aux Jeux olympiques de Paris cet été, ce qui serait une première dans l’histoire de l’Albanie. “Je pense que c’est impossible”, répond immédiatement Luiza Gega, préférant se fixer comme objectif de terminer parmi les six premières. “Je ne veux pas dire que je peux le faire, sinon j’aurai trop de pression”, ajoute-t-elle.
La pression est déjà énorme sur ses épaules. Dans son histoire, l’Albanie n’a participé qu’à neuf éditions des Jeux olympiques. Le pays n’envoie que de petites délégations, qui dépassent à peine la dizaine d’athlètes. Sans jamais obtenir la moindre médaille, n’effleurant ce rêve que grâce à quelques haltérophiles.
Luiza Gega, porte-drapeau de l’Albanie à Rio en 2016 et Tokyo en 2021, s’en approche à son tour et fait face à d’énormes attentes, encore plus grandes depuis son titre européen en 2022. “Les jeunes commencent à s’identifier à moi. On a peu de modèles en Albanie, et j’essaie de leur montrer que tout n’est pas impossible”, explique la trentenaire. Un podium à Paris inspirerait toute une génération, “pas prête mentalement pour rêver d’une carrière dans le sport” selon elle. Une génération qu’elle pourrait prochainement entraîner, elle qui pense devenir coach d’athlétisme après sa carrière.